Changer d'accord, ... mais pas moi!
Les formations à la “diversité” ne servent pas à grand chose. C’est ce qu’ont démontré des chercheurs américains de la Warton School. En général, les participants sont prêts à admettre l’existence des discriminations sexistes et raciales notamment, mais ne souhaitent pas les faire disparaître ni modifier leurs comportements.
Fascinant non?
Cela veut-il dire que ces démarches de sensibilisation sont inutiles? Si elles ne concernent que les collaborateurs en l'absence d’une démarche globale de changement impulsée par la direction, la réponse est OUI! Car le changement vient rarement de la “base”. Ou alors c’est qu’il est trop tard pour pouvoir le “piloter”. Pensez à 1789, et plus récemment aux gilets jaunes…
Allons un petit peu plus loin et adoptons un regard systémique : en focalisant l’action de sensibilisation/formation sur les collaborateurs, la direction se défausse et les stigmatise inconsciemment : “le problème de discrimination vient de chez vous”. Or les collaborateurs ne font jamais que reproduire le style de management, de comportement et de communication dont les dirigeants leur donnent l’exemple. Comme dans une famille, les enfants prennent modèle sur leurs parents. C’est pourquoi, le changement désiré doit impérativement venir du sommet de l'organisation, c’est aux dirigeants d’incarner et de modéliser les comportements attendus en termes de diversité et d’inclusion.
Récemment, des Responsables Diversité & Inclusion partageaient leur frustration de voir le manque d'impact de leurs propositions dans l'organisation. Souvent ils ne sont pas positionnés assez haut dans la hiérarchie, et ne sont pas vraiment soutenus par les instances exécutives. C’est révélateur de l'aspect peu stratégique de leur mandat dans beaucoup d’entreprises.
Sylvie, qui assume cette fonction depuis 5 ans, déclare en soupirant : "être Directrice Diversité & Inclusion, c'est un métier à risques". Car les projets quelle promeut dans son entreprise supposent un véritable changement culturel. Sylvie estime qu’elle a les moyens et le soutien actif de son DG. Pour autant, elle se heurte à de nombreuses “résistances” de la part de ses collègues directeurs et managers. “En général, ils me perçoivent comme une empêcheuse de tourner en rond, mes propositions ne sont jamais compatibles avec leurs priorités”.
Comme les coachs, mais sans en avoir ni la posture, ni les techniques, ni la liberté de parole, les Responsables Diversité & Inclusion sont censés “faire bouger” une organisation de l’intérieur. Au secours!
C’est pourquoi Sylvie a demandé l’aide d’une équipe de coachs pour accompagner le comité de direction. Depuis plusieurs mois, nous travaillons sur le projet intitulé “Devenir une entreprise inclusive”, à la demande du DG. Les directeurs ont pris conscience de l’impact de leurs comportements, non seulement sur la dynamique collective du codir, mais aussi sur leurs n-1 et n-2. Ils ont réalisé que certaines de leurs pratiques sont, de fait mais involontairement, discriminatoires et se sont propagées dans la culture d’entreprise : l’entre-soi dans le recrutement et la cooptation, l’esprit de clan dans le partage d’information et l’arbitraire dans la prise de décision. En entreprise comme en politique, les symboles ont un impact énorme, en négatif comme en positif. Il en faut peu pour générer un sentiment d’injustice et de la frustration. Ces comportements souvent inconscients minent les relations de travail et instaurent une mauvaise ambiance dans les équipes et entre départements.
Chacun a donc travaillé sur sa relation à l’autre, sa peur de l’altérité, sa difficulté (parfois) à travailler avec des gens différents. En tant que collectif, le comité de direction s’est auto-diagnostiqué sur sa capacité d’inclusion, et le constat est édifiant. Les dirigeants ont alors décidé de créer une nouvelle culture d'entreprise co-responsable, collaborative, attentive à l'équité dans les relations, “l’Entreprise inclusive”.
Quelques mois plus tard, il est déjà possible de dire que ce coaching d’organisation a transformé les relations. A commencer par le style de management qui était auparavant plutôt descendant. La pratique des décisions prises à 2 ou 3 en huis-clos a disparu. Avant, les directives étaient vécues comme injustes et systématiquement sabotées par les personnes chargées de les exécuter. Le leadership s’est modifié depuis que l’on a instauré un mode de réunions collaboratives très impliquant en termes de co-responsabilité. De nouveaux leaders sont apparus, des profils atypiques sont sortis de l’ombre, qui sont venus enrichir le codir de leur regard différent.
Conséquemment, les collaborateurs ont commencé à s’approprier les nouvelles valeurs et attitudes pour les adapter à leur contexte. En tant qu’ acteurs de l’inclusion, ils se sont vus reconnaître le pouvoir d’agir, d’être créatifs et force de proposition pour faire vivre cette culture inclusive.Pour chacun, la construction de l’entreprise inclusive a impliqué de désapprendre les habitudes avant d’apprendre à voir les personnes et les relations différemment.
Aujourd’hui, Sylvie considère qu’elle a accompli sa mission ; ses collègues la considèrent comme une alliée et viennent lui demander conseil pour ajuster leurs priorités.